Préhistoire Financière


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Marc Deschenaux

Created    on 2016-06-15 14:53

Published on 2016-06-15 14:55


Au commencement de notre histoire était l'homo putans (l'homme qui pense), le premier homme préhistorique qui a commencé à vouloir analyser & contrôler son milieu, à penser. D'abord, il vit seul avec sa famille, assumant seul les tâches quotidiennes nécessaires à sa survie. Il chasse, construit et entretient son logis, fabrique ses vêtements et ramène des volcans, le feu dont il a besoin pour se chauffer. Plus tard, il devient homo sapiens parce qu'il s'organise en société, ayant compris qu'ainsi, il améliore sensiblement ses chances de survie et son confort.

La première forme de société est la tribu puisque auparavant, il n'avait autour de lui que les membres de sa famille; on ne peut donc pas parler de société à part entière. Chaque tribu a son territoire, délimité par des obstacles naturels choisis par combats ou par convention entre tribus. Ce territoire où la tribu fait régner sa loi, s'appellera quelques centaines de siècles plus tard : le for juridique ou le territoire du droit applicable.

De la vie en société, des désirs et des sentiments de chacun naissent des problèmes et des conflits qui l'astreignent à établir les règles de vie en société. Chaque membre de la tribu doit se soumettre à ces règles sous peine d'être exclu de la tribu. On peut trouver là, la première manifestation de la notion d'Ordre Juridique.

Ces règles reconnaissent à l'homo sapiens des droits et des obligations; par exemple le droit à une part du gibier chassé et l'obligation de participer à la chasse, d'y contribuer de ses efforts. L'homo sapiens est donc sujet de droits et d'obligations.

De la vie en société naît également la division des tâches; l'homo sapiens n'effectue plus lui-même l'ensemble des tâches quotidiennes nécessaires à sa survie. Il délègue la plupart d'entre elles à d'autres membres de la tribu et se spécialise dans quelques unes. Il s'entraîne à exécuter celles pour lesquelles il se spécialise, améliore la qualité de son travail, crée des outils aptes à faciliter sa besogne; il acquiert ainsi une profession.

Le fait que l'homo sapiens n'aille plus chercher tous les biens qu'il consomme, qu'il n'exécute plus les actions nécessaires à sa survie et à son confort crée la situation suivante : l'homo sapiens a besoin de biens et services, tandis qu'il offre certains biens et services. Des marchés sont ainsi créés par les groupes d'homo sapiens qui ont un même besoin.

De là provient le besoin d'un échange évident qui se manifestera tout d'abord par le troc. Le chasseur échangera viandes et peaux contre du feu, des outils ou un logis. Pendant longtemps, le troc sera le lot quotidien de l'homo sapiens.

Mais où déposer les produits de la chasse, comment les protéger des animaux sauvages, des intempéries et des tribus rivales ?

Dans les grottes, bien sûr, qui sont gardées par un groupe d'homo sapiens qui entretiennent les feux qui, à leur tour, éloignent les bêtes sauvages et combattent les tribus rivales. Ces grottes qui sont l'ancêtre du coffre-fort, de la chambre forte et même, n'en déplaise, de la banque.

En effet, si l'on ne parle pas encore de banque et même si Messieurs les banquiers préfèrent se réclamer des marchands de la Grèce antique, plus élégants, qui faisaient leurs opérations de change et de prêt sur un banc, d'où le terme de banquier, il n'en demeure pas moins qu'Athènes, c'est quelques dizaines de milliers d'années plus tard et que les concepts sont déjà établis à l'ère préhistorique. (Quel dommage que l'on n'ait pas retrouvé des restes de l'homo banquieris, j'aurais bien voulu avoir un squelette dans mon bureau; peut-être étaient-ils déjà trop pourris pour que leurs os puissent nous parvenir...? Mais la nostalgie m'égare.)

Toutefois, le troc s'avère peu pratique et avec l'âge des métaux apparaissent les premiers signes d'un nouveau mode d'échange : la monnaie.

Ce mode d'échange révolutionnaire va tout changer. Au lieu de chercher un tailleur de vêtements qui ait besoin de viande, le chasseur peut échanger sa viande contre de la monnaie : c'est l'apparition de la vente. On n'échange plus, on vend ou on se rend propriétaire par l'acte d'achat; pour acheter, on doit payer le prix, c'est-à-dire donner une quantité de monnaie au vendeur. Le prix est fixé par un compromis entre l'offre du vendeur et celle de l'acheteur. L'homo sapiens se met alors à développer sa profession, à systématiser son activité. On ne peut encore parler d'industrialisation car il manque la machine, mais on peut évoquer le concept d'entreprise, même si elle n'en est encore qu'au stade artisanal basique

Quelques millénaires passent. L'homo sapiens est devenu homme. Les cavernes sont devenues des banques. Avec la pratique du paiement, les banques ont dû apprendre à communiquer; comme il n'y a pas encore de téléphone et de télex, les banques utilisent des effets de commerce par lesquels elles donnent instruction à leur correspondant local de remettre une certaine somme au porteur ou au titulaire. C'est l'époque de la lettre de crédit (qui n'a rien à voir avec la "letter of credit" anglaise, car cette dernière est désignée en français par le terme "accréditif"). La lettre de crédit perdra de son importance avec l'apparition des moyens de communication modernes, jusqu'à devenir de nos jours, sinon une rareté du moins un instrument d'usage restreint.

Cette petite rétrospective qui n'a aucune prétention historique n'a qu'un seul but: démontrer que les bases de la finance et des concepts qui la régissent remontent à la nuit des temps, qu'ils ne sont pas une sophistication abstraite. Depuis que l'homme s'est mis à penser, qu'il a eu la volonté de s'organiser puis d'entreprendre, sont apparues les notions qui ont créé la base propice à la naissance de la Finance. On constate que ses bases s'imposent d'elles-mêmes, que la Finance est humaine, sinon naturelle et ce, malgré un aspect inhumain...